"Je te l'avais bien dit" ne sert à rien

Publié le par elinas

Selon les apparences, l’Homme a un penchant naturel pour le pessimisme. Et, de ce que j’ai pu observer, il a également une forte propension à rendre la négativité contagieuse, voire même, à l’entretenir.


  Prenons l’exemple d’une personne qui veut arrêter de fumer. Nombreux sont ceux qui lui répondront « Tu verras, tu ne tiendras pas. » Et, forcément, conditionné par cette expression négative qu’on lui répète, encore et encore, il ne tiendra pas.


Quand bien même on prétend vouloir soutenir, on a une tendance naturelle à décourager.


  Dans quel but ? Le vice est poussé au point que, lorsque cette négativité aboutit à l’échec prévu, on a cette envie de dire cette phrase, narcissique au plus haut point, et qui n’a d’égal que son inutilité : « Tu vois, je t’avais prévenu ».

  L’expression type qui n’amène rien, qui ne construit en rien, et qui n’a pour vocation de n’apporter l’attention que sur sa propre personne. Plus fort encore : on prend cet exemple pour acquis, et que nous avons raison de manière absolue sur la question.


  Prenons un autre exemple, plus à l’échelle de la société : un jeune homme et une jeune femme, qui sont en couple depuis le lycée, décident, à leurs vingt-cinq ans, de se marier. Quelles sont les premières réactions ? « Tu verras, ça ne tiendra pas. » Ou encore « On rigolera bien quand ils seront à la crise de la quarantaine ». De la même manière que pour celui qui arrête de fumer, si l’on entretient ce climat d’échec, les premiers concernés (et également, les derniers à qui l’on a pensé à demander l’avis) tendront vers l’échec prémédité.


  Préméditer l’échec, c’est lui permettre de s’imposer.


  Pourquoi voulons-nous à tout prix juger les décisions des gens, en n’anticipant que l’échec ? Pourquoi n’espérons-nous plus qu’ils y parviennent ? Est-ce de la jalousie ?


  Pourquoi tant de monde disent « J’espère que tu vas réussir », et ne peuvent s’empêcher de rajouter « … mais j’ai des doutes. » ?


  A celui qui veut arrêter de fumer, même si c’est le huitième essai, je lui dirai « j’espère que, cette fois, tu vas y arriver. »
  A ceux qui se marient jeunes, je leur dis : « Je vous souhaite tout le bonheur du monde. » De manière sincère, sans cette arrière-pensée qui tendra à exprimer les mots « on se revoit le jour de votre divorce ».
  A la femme qui aura un enfant avant l’âge que « la société a décrété comme étant un âge convenable », je me refuse de dire d’elle qu’elle a « pourri sa jeunesse ». Je lui souhaite de s’épanouir dans son choix. Car je sais, d’exemples dont j’ai été témoin, que ça n’empêche pas d’être heureux.


  Mais, pour y parvenir, il ne faut pas voir l’échec comme une peur de donner raison aux autres, ou de les décevoir. Il faut voir l’échec comme un risque qu’on est prêt à courir. Et seulement un risque. Et s’il devait survenir, ce devrait être une occasion d’apprendre une erreur pour ne pas la reproduire.


  Chaque jour, j’ai une forte tendance à refuser l’expression « Je te l’avais bien dit ». Narcissique pour la personne qui la prononce, frustrante pour la personne qui la subit, elle tend à cantonner dans l’échec et la négativité.


  Je souhaite aux autres de réussir. Même ceux avec qui je ne m’entends pas forcément bien, je ne leur souhaite pas l’échec. L’heure où cela sera réciproque est très lointaine, certes. Mais j’ai plaisir à encourager, pas à décourager. J’ai plaisir à dire « tu feras mieux la prochaine fois », et je m’en veux si j’ai l’orgueil de dire « je te l’avais bien dit ».


  Et si c’est un plaisir que vous savourez à affirmer que « vous aviez raison », sachez, en ce cas, que vous êtes égocentrique, narcissique au possible, et qu’en enfermant votre entourage dans votre négativité, vous créez autant de personne qui communiqueront leur négativité, jusqu’au jour où vous serez la personne qui la subira, et qui ne supportera pas qu’on lui dise :


« Je te l’avais bien dit ».

Publié dans Reflexion

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